Programmes de recherche
Le contrôle génétique du développement du système nerveux des vertébrés constitue l’axe central des travaux de l’équipe. Deux grandes thématiques sont abordées :
La morphogenèse du cerveau postérieur
La morphogenèse du cerveau postérieur implique un processus de segmentation conduisant à la formation de territoires homologues successifs, le long de l’axe antéro-postérieur (AP). Ce processus est hautement conservé au cours de l’évolution des vertébrés et peut ainsi être étudié dans plusieurs modèles animaux (souris, poulet et poisson).
Pour élucider les mécanismes moléculaires et cellulaires de la mise en place d’un territoire spécifique au sein d’un champ embryonnaire, l’équipe de Patrick Charnay se concentre sur le gène Krox20. En effet, celui-ci code un facteur de transcription qui délimite et spécifie les segments 3 et 5 du cerveau postérieur, en contrôlant l’expression de nombreux autres gènes de régulation, parmi lesquels des gènes Hox. Plus spécifiquement, pour comprendre les bases de la délimitation des territoires segmentaux, l’équipe étudie le contrôle de l’expression de Krox20 lui-même. Elle a en particulier, décrypté le réseau de régulation responsable de la formation du segment 3 : les gènes Hox du groupe paralogue 1, par des actions activatrices directes et répressives indirectes, définissent approximativement les limites AP du territoire d’activité d’un des éléments cis-activateurs de Krox20 ; cette activité est ensuite modulée par la signalisation FGF ; le positionnement final des limites d’expression de Krox20 requiert l’interprétation de ce patron initial par une boucle autorégulatrice de Krox20, gouvernée par un autre élément cis-régulateur et agissant comme un commutateur binaire. Ces travaux découvre à l’équipe une vue globale des mécanismes moléculaires contrôlant la délimitation d’un territoire et montrent comment l’information positionnelle fournie par différents systèmes morphogénétiques est intégrée dans un réseau génétique comportant plusieurs séquences cis-régulatrices opérant sur le même gène.
Les études en cours visent à caractériser les mécanismes moléculaires sous-tendant des interactions génétiques en cis d’un nouveau type, mises en évidence récemment entre deux éléments cis-régulateurs. Pour cela, l’équipe introduit des mutations dirigées chez le poisson zèbre au moyen de la technologie CRISP, et combinons cette approche avec l’immunoprécipitation de la chromatine (ChIP) et la capture de conformations chromosomiques (3C).
Cellules souches périphériques
L’équipe de Patrick Charnay étudie une population cellulaire localisée à l’interface SNC/SNP, aux points de sortie et d’entrée des nerfs périphériques, les cellules des capsules frontières (CF). Ces cellules sont dérivées de la crête neurale et l’équipe a montré qu’elles sont elles-mêmes capables de migrer au sein de l’embryon pour donner naissance à différents types cellulaires, incluant des cellules souches. Elle a identifié plusieurs gènes exprimés spécifiquement dans les cellules CF et construit des outils génétiques qui lui permettent de suivre leurs dérivés chez la souris. Ainsi, les cellules CF donnent naissance à l’ensemble des cellules de Schwann des racines motrices et sensorielles et, dans les ganglions rachidiens, à une partie des neurones nociceptifs et proprioceptifs, ainsi qu’à des cellules gliales satellites. Mais l’équipe a également observé qu’une partie des cellules CF de la racine motrice migrent le long des nerfs périphériques jusqu’à la peau. Elles y donnent naissance en particulier à des cellules de Schwann, principalement non-myélinisantes, localisées le long des nerfs de l’hypoderme et au niveau des terminaisons nerveuses dans le derme. Ces résultats établissent donc une origine duale pour les cellules de Schwann : crête neurale pour celles localisées au niveau de la plus grande partie des nerfs périphériques, et CF pour celles situées au niveau des extrémités proximales et distales des nerfs.
L’équipe a également établi qu’une partie des cellules dérivées des CF présentes au niveau de la peau après la naissance possèdent des propriétés de cellules souches. In vitro, elles donnent naissance à des sphères susceptibles, d’une part, d’être propagées durant de multiples passages et, d’autre part, de générer des dérivés différenciés variés (neurones, cellules de Schwann, myo-fibroblastes et adipocytes). In vivo, après transplantation dans des ganglions rachidiens adultes, les cellules dérivées des CF donnent naissance à de cellules gliales et à de nombreux neurones sensoriels. En conclusion, ces travaux mettent en évidence l’existence dans la peau d’une population de cellules souches au potentiel régénératif extrêmement intéressant, facilement accessibles et que nos outils permettent maintenant de purifier et de caractériser en détail.
Les projets en cours portent justement sur la poursuite de la caractérisation de cette nouvelle population de cellules souches, avec la recherche de marqueurs moléculaires spécifiques, l’exploration de leur potentiel de survie et de différentiation dans le SNC, et l’analyse de leur implication éventuelle dans le développement de la Neurofibromatose de type 1, où des tumeurs apparaissent très fréquemment au niveau des extrémités proximales et distales des nerfs périphériques, précisément là où les dérivés des cellules CF sont présents.