Accèder directement au contenu

Henrique Teotónio

Génétique évolutive expérimentale

Contexte

La génétique évolutive soulève de nombreuses problématiques majeurs tels que :
1/ Comment sont intégrés les effets pléiotropiques des gènes aux différentes niveaux d’organisations biologiques ?
2/ Quel est l’importance de la mutation, de la ségrégation et de la recombinaison dans l’association d’allèles entre loci ou au sein d’un même locus génétique ?
3/ Comment différents systèmes de reproduction tels que l’auto-fécondation ou les processus d’appariement différentiels (appariement assortatifs) affectent la structure génétique des populations ?

Dans notre équipe, nous nous intéressons à ces problématiques dans le contexte de l’adaptation à de nouveaux environnements, essentiellement à travers une approche expérimentale. Le laboratoire utilise l’espèce modèle de nématode Caenorhabditis elegans pour laquelle nous avons artificiellement créé des populations à large diversité génétique et pourvus de différents modes de reproductions. Ces populations servent ensuite de ressource pour l’évolution expérimentale en laboratoire. Nous avons notamment développé une large bibliothèque de lignées recombinantes destinées à l’identification des marqueurs génétiques impliqués dans les variations des traits quantitatifs.

Faits marquants

L’un des axes majeurs de notre recherche porte sur l’origine évolutive des différents systèmes de reproduction. Conformément aux résultats théoriques, nous avons pu démontrer que les individus hermaphrodites (pouvant se reproduire par auto-fécondation) peuvent rapidement envahir une population allo-fécondante (constituée de exclusivement de mâles et de femelles). Cet avantage évolutif des hermaphrodite est expliqué dans nos populations par la faible dépression de consanguinité et l’assurance de reproduction (le succès reproductif des hermaphrodites ne dépend pas de la recherche d’un partenaire). Cependant, nous avons pu démontrer que le succès reproductif des mâles déterminait à la fois la vitesse de cette transition évolutive mais aussi la capacité des individus allo-fécondants à se maintenir à des fréquences intermédiaires dans ces populations. Ce résultat peut être expliqué par l’évolution d’antagonismes sexuels, mais aussi par les contraintes d’allocations de ressources au cours du développement des individus hermaphrodites, qui doivent investir dans les fonctions mâles, femelles mais aussi hermaphrodites. Les populations contenant à la fois des mâles, des femelles et des hermaphrodites (qui peuvent aussi s’accoupler avec les mâles), semblent être en mesure :
1/ à court terme, de purger les allèles récessifs délétères mais aussi
2/ sur le long terme, de maintenir de la diversité génétique pouvant être servir de ressource à l’adaptation future.

Un autre axe de recherche développé dans notre équipe porte sur l’évolution de la plasticité phénotypique. La plasticité développementale (au sein d’une même génération) peut être adaptative lorsqu’un individu peut recueillir au cours de son développement des informations fiables sur l’environnement dans lequel il va se reproduire. Dans le cas contraire, la sélection naturelle favorisera des stratégies de bet-hedging (entre générations ou au sein d’une même génération) ou bien encore de la plasticité trans-générationnelle. Dans l’équipe, nous utilisons les outils de la génétique des populations et de la génétique quantitative pour étudier l’adaptation à des changements environnementaux, ou à des environnements fluctuants. Nous étudions en particulier :
1/ l’évolution des stratégies impliquant des effets maternels
2/ l’évolution des biais de locomotion des individus et au sein des populations
3/ l’impact de la ségrégation et de la recombinaison sur la probabilité d’extinction

Nous nous intéressons aussi à la description de l’architecture génétique des traits phénotypiques à différents niveaux d’organisation biologique. Alors que des les traits directement impliqués dans le succès reproducteur (fitness) semblent être largement polygéniques et dépendre de nombreuses intéractions genotype - environnement (GxE) et d’effet épistatiques entre loci, nous cherchons à déterminer si cela reste vrai pour des traits tels que la locomotion ou l’expressions génétique de traits non directement liés au succès reproducteur. En particulier, nous utilisons des méthodes d’acquisition de données phénotypiques à haut-débit pour caractériser les effets génétiques de pléiotropie, de dominance et d’épistasie.

Sujets de recherche
  • Evolution des systèmes de reproduction : C. elegans, androdiœcie, recombinaison, dépression de consanguinité, niveaux de sélection
  • Evolution de la plasticité phénotypique : GxE, sélection stabilisante et sélection balancée, effets trans-générationnels
  • Génétique quantitative : QTL, auto-stop génétique et association génétique, pleiotropie antagoniste, déséquilibre de liaison et déséquilibre d’identité.

Teotónio et al. 2017. Evolution experiments with Caenorhabditis nematodes. Genetics 206 : 691-716.

Proulx and Teotónio. 2017. What kind of maternal effects are selected for fluctuating environments ? American Naturalist 189 : E000, doi:10.1086/691423

Dey et al. 2016. Adaptation to temporally fluctuating environments by the evolution of maternal effects. PLOS Biology, 14:e1002388.

Poullet et al. 2016. Complex heterochrony underlies the evolution of hermaphrodite self-fertility and sex allocation in experimental C. elegans populations. Evolution 30 : 2357-2369.

Theologidis et al. 2014. Reproductive assurance drives transitions to self-fertilization in experimental Caenorhabditis elegans. BMC Biology, 12:93, doi : 10.1186/s12915-014-0093-

Chelo et al. 2013. An experimental test on the probability of extinction of new genetic variants. Nature Communications 4. doi : 10.1038/ncomms3417